Le mythe de Cadmos raconté à ma fille

Par Nicholas Palffy

Il était une fois, dans un pays très lointain, situé au-delà de la mer, un beau roi qui vivait dans un pays où tout était rouge : la terre était rouge, les arbres étaient rouges et tous les habits des gens du pays étaient rouges aussi. Le roi du pays rouge s’appelait Agénor et il était marié à une très belle femme aux cheveux rouges qui s’appelait Telephassa.

Le couple avait trois garçons et une fille. Les garçons s’appelaient respectivement Cilix, Phénix et Cadmos, et la fille portait le nom d’Europe.

Un soir, la princesse Europe, qui se promenait sur la belle plage pour regarder le soleil se coucher, vit un magnifique taureau blanc sortir de l’eau. Elle en fut immédiatement amoureuse, et s’approcha de lui pour le caresser. Ce taureau était tellement beau et doux, et il sentait tellement bon, que la princesse décida de monter sur son dos pour faire une promenade le long de la plage.

Pendant quelque temps, le taureau se laissa conduire sur le rivage doré qui brillait de mille coquillages aux reflets rouges. En fait, le secret du pays rouge venait des coquillages, mais chut ! c’est un secret, ne le répétez pas !

À un moment de la promenade, le taureau se tourna vers la mer et commença à rentrer dans l’eau. La princesse Europe eut beau lui supplier de revenir en arrière, sur la plage, mais l’animal refusa de l’écouter, s’enfonçant davantage dans les vagues blanches qui venaient rebondir contre ses flancs.

Petit à petit, la princesse Europe vit s’éloigner son rivage natal, au fur et à mesure que le taureau nageait vers le large. Lorsque le Soleil eut fini de plonger dans la mer et que la nuit fut tombée, la princesse avait disparu.

Le lendemain matin, le roi et la reine, qui avaient remarqué la disparition de leur fille, furent tellement tristes qu’ils demandèrent à leurs trois fils de partir chercher leur sœur et de ne revenir que lorsqu’ils l’auraient retrouvée.

Cilix, Phénix et Cadmos s’équipèrent pour un long voyage, embrassèrent leurs parents et partirent à la recherche de leur sœur.

Cadmos, qui était le plus jeune des trois garçons, alla sur la plage, s’assit sur un rocher et se mit à réfléchir. Il était perdu dans ses pensées quant soudain il remarqua les traces de sabot que le taureau avait laissé sur le sable et qui partaient vers la mer. Les marques étaient tellement grandes que le prince comprit que ce taureau devait être un animal magique et qu’il était responsable de la disparition de sa sœur.

Il décida alors de partir en direction du Soleil Levant.

Après avoir traversé la mer sur un petit bateau, il aborda un pays où tout était vert. Jamais de toute sa vie il n’avait vu une telle couleur et il en fut tout émerveillé. Après avoir marché quelque temps, il rencontra un vieux pêcheur, à qui il exposa l’objet de sa quête. Le vieil homme lui conseilla alors de se rendre dans la ville de Delphis, la ville du dauphin, pour interroger une célèbre magicienne qui s’appelait Pythô.

Sur les conseils du pêcheur, il marcha jusqu’à Delphis et alla trouver la magicienne, qui habitait dans une caverne de laquelle coulait un ruisseau doré, pour lui demander où se trouvait sa soeur. La magicienne lui dit de ne pas se préoccuper de sa sœur mais de partir en voyage et. Lorsqu’il aurait rencontré une vache, de la suivre et de construire une ville à l’endroit où elle se coucherait.

Cadmos quitta donc la magicienne et se mit en chemin avec quelques compagnons qui avaient accepté de l’aider à retrouver sa sœur.

Quelques jours plus tard, il aperçut une jolie vache qui broutait dans un pré couvert de marguerites. Il s’approcha doucement d’elle mais lorsqu’elle vit Cadmos, la vache s’arrêta de brouter, le regarda de ses grands yeux bruns, meugla un grand coup – Meeeuuuuh !– et commença à marcher. Le voyage dura sept jours et sept nuits. Le matin du septième jour, la vache arriva dans un beau pays, rempli d’animaux sauvages et d’oiseaux multicolores.

Après avoir hésité un moment, la vache regarda autour d’elle, se coucha dans l’herbe verte et tourna sa tête vers le prince Cadmos qui la suivait, pour lui dire que son voyage était enfin terminé.

Alors le prince su qu’il devait construire la ville à cet endroit. Il demanda à ses compagnons de voyage d’aller chercher de l’eau pour faire boire la gentille vache et se laver de la poussière des chemins.

Mais après quelques heures, alors que le soleil était haut dans le ciel, le prince Cadmos, qui ne voyait pas ses compagnons revenir, se demanda où ils étaient passés et commença à les appeler. N’obtenant aucune réponse, il partit à leur recherche. Après avoir marché un peu, il arriva dans une clairière au milieu de laquelle se trouvait une source claire. Mais cette source était gardée par un méchant dragon, qui avait mangé tous ses compagnons venus puiser de l’eau fraîche.

Le dragon était grand comme le ciel et sa tête touchait les nuages. Sa peau était une carapace si dure que rien ne pouvait la percer, et ses dents étaient comme des épées d’acier. Lorsqu’il ouvrait son énorme gueule, il crachait de longues langues de feu. Il était en train de se lécher les babines et s’apprêtait à faire une bonne sieste après son terrible repas.

Cadmos s’approcha silencieusement de lui. Il avait sur son dos la peau d’un lion et tenait dans ses mains une lance brillante et un javelot pointu. À côté du dragon, Cadmos semblait tout petit. Mais l’homme était rapide, intelligent et courageux et il savait que tous les monstres avaient un point faible.

Cadmos souleva alors une lourde pierre et la lança contre le dragon en poussant un cri terrifiant. La pierre rebondit contre le corps du dragon sans même l’égratigner. Mais sur le coup, le dragon se retourna tout en colère, il aperçu le petit Cadmos et se dressa sur ses pattes arrière pour ne faire qu’une bouchée du courageux guerrier. C’est ce qu’attendait Cadmos qui avait tout de suite remarqué que la peau du ventre du dragon était plus fine et claire que le reste de son corps. Au lieu de fuir pour sauver sa vie, il se précipita contre le dragon et planta de toutes ses forces son javelot dans le ventre du monstre. Celui-ci, rendu furieux par la douleur, se tortilla dans tous les sens, en poussant des cris assourdissants comme le tonnerre. Sa queue déracinait les arbres qu’elle frappait et l’air était rempli d’une fumée qui piquait les yeux et la gorge.

Le dragon se rua alors sur Cadmos en cherchant à le croquer de ses puissantes mâchoires ou le rôtir avec les jets de feu qui sortent de sa bouche. Cadmos recula, il se protègea avec sa lance pointée en avant, en bougeant sans cesse pour éviter les coups de queue mortels du monstre.

La fatigue commençait à gagner Cadmos. Il sentait ses forces diminuer et se disait qu’il allait bientôt mourir s’il ne tentait pas quelque chose. C’est au moment où le dragon avait la gueule encore ouverte, juste après avoir craché une nouvelle salve de feu, que Cadmos plongea sa lance dans le gosier écarlate de la bête en poussant si fort que la lance traversa sa gorge et alla se planter dans le tronc d’un chêne centenaire. Le Dragon fut cloué sur place, il ne pouvait plus bouger ni cracher du feu. Il mourut sur l’arbre qui craqua plaintivement sous le poids de la bête.

Cadmos était en train de contempler l’énorme dragon en reprenant son souffle quand il vit apparaître la fée Pallas, sa protectrice, qui était descendue du ciel par les airs. La fée dit alors à Cadmos de prendre toutes les dents du dragon et de les enterrer dans un champ, comme s’il plantait des choux.

Cadmos obéit à la gentille fée et, au fur et à mesure qu’il enfonçait les dents dans la terre, il vit des soldats en armure sortir du sol là où il avait semé les dents. Effrayé par ces nouveaux ennemis, Cadmos s’apprêtait à se battre à nouveau, malgré sa fatigue. Mais un des soldats lui cria : «Pose tes armes, noble guerrier, cette bataille n’est pas la tienne. Reste à l’écart et tu ne risque rien. » Cadmos, qui n’était pas encore tout à fait rassuré, baissa cependant son épée, tout en surveillant ces soldats qui sortaient comme par magie du sol. C’est alors qu’il vit les soldats se battre et s’entretuer, sans raison, sur la terre qui devint vite teintée du sang des malheureux. Bientôt il ne resta que cinq survivants. L’un d’eux, qui s’appelait le prince Échion, jetta alors ses armes par terre et demanda à ses frères de faire la paix. Ceux-ci acceptèrent et c’est avec ces cinq soldats né de la terre que Cadmos construisit la ville que la magicienne lui avait demandé de fonder à l’endroit où la vache s’était couchée.

Le travail dura sept longues années. Et lorsque la ville fut enfin terminée, Cadmos devint roi et il épousa la belle princesse Harmonie, qui était une fille de l’Amour. Ils vécurent heureux et ils eurent beaucoup d’enfants et de petits-enfants…